Hommage au poète Serge WELLENS
L'Oratoire - La Rochelle - le 15 octobre 2010
Une redoutable histoire d’amitié
Ainsi la nuit a-t-elle surgi en moi quand j’ai appris la disparition de Serge.
Serge Wellens, l’ami et le poète initiateur.
Aujourd’hui je lui rends hommage. Pour ce qu’il m’a apporté. Pour ce qu’il nous a apporté. Ce fut un de mes premiers lecteurs, il m’a appris – lui qui se méfiait des analyses trop universitaires – à concilier poétiquement le proche, l’immédiat et la figure du lointain.
Le monde est sable et je suis une abeille qui bat des ailes sur l’infini …
Il connaissait aussi ma peinture, il la découvrait, m’incitait à continuer. Lui qui avait eu beaucoup d’amis peintres et qui m’avait beaucoup parlé de peinture. Edouard Pignon par exemple qu’il évoque dans la catalane bleue.
C’est aussi Serge qui m’a incité à considérer que la relation humaine est inhérente à l’activité poétique. Que c’était au cœur des choses. C’est une valeur que les temps d’aujourd’hui minorent ou évincent à tort. Il y a d’abord une fraternité des poètes, me disait-il, alors que je me montrais un peu sceptique, encore empêtré dans la démarche intellectuelle que montraient mes premiers écrits.
J’écris aujourd’hui pour celui qui a été, pour moi, pour de nombreux poètes en devenir, un lecteur infatigable, attentif, attentionné même et vigilant comme peu de grands poètes savent le faire.
Sans doute au cœur des choses de la poésie il y aussi une manière de regarder le monde, dans sa trivialité la plus crue. Je songe à ce très beau poème de Serge Wellens où un « pauvre » semble sortir d’une « décharge ».
Lecture complète de ce poème
Serge Wellens nous a appris à considérer que la poésie n’est pas une sorte de « ventilateur des dimanches », comme un à-côté du monde qu’elle enjoliverait, mais qu’elle a la gravité d’une sourde empoignade avec le réel. Son ami Jean Rousselot avec qui j’ai longtemps correspondu – lui aussi disparu aujourd’hui – nous avait aussi appris cela. Ce fut aussi le temps de notre rencontre avec le peintre et poète Roger Toulouse invité à La Rochelle.
C’est ce compagnonnage entre poètes et peintres – qui fut celui de l’école dite de Rochefort /Loire - dont Serge nous montra l’importance et la nécessité.
Serge Wellens un poète exemplaire à mes yeux. J’ai essayé de dire cela lors du colloque d’Angers qui lui a été consacré. Exemplaire en ce sens qu’il n’a pas dévié de sa trajectoire. Attentif à la vie, attentif aux êtres, il m’a appris qu’il ne fallait pas renoncer. Qu’il ne fallait pas non plus céder un pouce au langage. C’est au poète de faire de la langue son propre matériau humain. Le langage est rétif, retors même me disait Serge, il faut « l’assigner à résidence » selon une de ses heureuses formules. Si la poésie est affaire de langage, elle est aussi ce lien précieux avec les hommes, utile parce que dérisoire et faible – ce que j’ai appelé par la suite une précarité nécessaire – la nécessité aussi d’un lien requalifiant l’homme. (René Char écrivait que la poésie requalifie l’homme). Il s’agit alors, nous rappelle toute l’œuvre de Serge Wellens, de tenter de tenir en équilibre les deux plateaux de la balance, le poids du réel et la hauteur exigeante d’un langage que vous avez retaillé à votre main.
François Garros
Le 6 octobre 2010
Nieul sur Mer
Pour Annie Wellens et Antoine